Daniel Depland par René de Ceccatty

La mort de l’écrivain Daniel Depland LE MONDE | 06.06.2016 à 15h25 • Mis à jour le 06.06.2016 à 16h00 | Par René de Ceccatty

 

L’écrivain Daniel Depland est mort le 24 mai à Londres, à l’âge de soixante et onze ans. Il était né le 6 juillet 1944 à Saint-Junien (Haute-Vienne). C’est sur les conseils de Violette Leduc dont il était le jeune voisin à Faucon (Vaucluse) à la fin des années 1960 que Daniel Depland écrivit son premier livre, La Java, que d’ailleurs il lui dédia. Comparé par son éditeur, Jean-Jacques Pauvert, à Raymond Radiguet, il manifestait, à moins de vingt-cinq ans, un tempérament poétique indéniable, fait d’images inattendues et d’une insolence joyeuse, à la fois sensuelle et innocente, autant que pouvaient l’être ses provocations agrémentées de lyrisme. Situé dans le milieu de la prostitution masculine de Saint-Germain-des-Prés, ce premier récit était un portrait définitif de l’homme que l’écrivain demeurerait. Hanté par un besoin d’amour et de transfiguration par la littérature, ce jeune « frère » d’Albertine Sarrazin et de Violette Leduc, appartenait à un univers marginal, mais dominé par le culte des mots, d’une langue tour à tour tenue, exigeante et vivante, vibrante, populaire. C’est ce dernier aspect que révélera pleinement La Mouche verte (Gallimard, 1973), adaptée ensuite au théâtre, avec la pétulante Dora Doll. L’action s’y passe dans un bistrot de village, avec quelques modèles empruntés à un bourg du Limousin. On voit aussi ce que cet univers a en commun avec un autre auteur, aux célèbres portraits vitriolés, Marcel Jouhandeau. C’est une sorte de Chaminadour miniature que signe Daniel Depland, avant de donner un bref roman, bouleversant, Le Chien de pique (Gallimard, Daniel Depland, en 1988. © JOHN FOLEY/OPALE/LEEMAGE 7/6/2016 La mort de l’écrivain Daniel Depland , où il raconte sa passion pour un jeune Anglais qui deviendra son compagnon et qui le convaincra de s’installer à Londres. Mystique Maître du monologue intérieur, Daniel Depland poursuivra, d’Angleterre, son oeuvre, avec le soutien indéfectible de l’écrivain et éditeur Roger Vrigny, chez Calmann-Lévy. Les Noces de la lune rouge (1986) revient à une veine très intime, avec le compte rendu passionnel de sa relation avec sa mère atteinte d’un cancer, après plusieurs romans, inspirés par son séjour en Grande-Bretagne ou par des souvenirs d’enfance, tous traversés par des visions oniriques. Des éclairs fantasques viennent déranger le climat apparemment classique de l’intrigue, souvent sanglante. Il y a dans le mélange de provincialisme, de perversion candide, d’humour farfelu, de goût de l’enquête et de poésie paradoxale, une tonalité qui apparente les romans de Daniel Depland à un Claude Chabrol. Amoureux des bizarreries et des excès de la culture britannique, il tournera gentiment en dérision son pays d’adoption dans un essai décapant, Trafalgar. My taylor is crazy (Grasset, 1995). Déchiré entre une mélancolie contrariée et une bonne humeur déconcertante, Daniel Depland se lancera dans des romans plus complexes (Le Serrurier de Zagreb, Grasset, 1992). Si c’est dans Le Fossoyeur (Calmann-Lévy, 1979) que Daniel Depland transformait par son imagination sa vie privée (fossoyeur était le métier de son compagnon), il utilisera dans Mes putains sacrées (Grasset, 2004) une narration plus directe pour faire le point sur son rapport aux femmes. Mystique, Daniel Depland était convaincu de dialoguer avec un ange. Il avait entrepris (dans des textes restés inédits) une sorte de verbatim de ses conversations surnaturelles, dont on n’était jamais sûr qu’il les prenait au sérieux. Il publia cependant, chez Denoël, un étrange récit, rédigé par un mort (En voie de disparition, 2009). L’un de ses derniers textes mettait en scène un personnage d’éternel enfant dont on fêtait l’anniversaire et qui ressemblait à un Martien débarquant sur une planète qui lui était devenue bien étrangère. Il s’était, dans les derniers temps, passionné pour des oursons en papier mâché que son ami Tom fabriquait. Entre le canular et le happening poétique, il savait louvoyer en préservant ce que sa personnalité avait de plus intègre et inclassable. Il avait employé tout son talent à visiter les recoins obscurs et parfois merveilleux de personnages violents, clownesques ou seulement authentiques et rebelles. Daniel Depland en cinq dates 6 juillet 1944 Naissance à Saint-Junien (Haute-Vienne) 1969 La Java (Jean-Jacques Pauvert) 1981 La Mouche verte est jouée au Centre dramatique national du Limousin, à Limoges 2004 Mes putains sacrées (Grasset) 24 mai Mort à Londres.