Faucon à la rencontre de Violette Leduc 28 et 29 mai 2022

JOURNÉES DES 28/29 MAI 2022

FAUCON A LA RENCONTRE DE VIOLETTE LEDUC

JOURNÉES DES 28/29 MAI 2022

Faucon rend un bel hommage, à Violette Leduc cette année, à l’occasion de l’anniversaire de la mort de l’écrivaine célèbre et méconnue tout à la fois, un décès survenu le 28 mai 1972, il y a cinquante ans déjà… Catherine Houin, Catherine Paffenhoff, Catherine Benzoni et Pierre Joly ont, de longue date, préparé cette série d’événements dont le premier jalon est posé en ce week-end de l’Ascension. Prochainement, les 18, 19 et 20 juillet, nous aurons de nouveau le plaisir de nous réunir pour d’autres manifestations, tout aussi passionnantes et émouvantes, dans ce même village devenu célèbre désormais par le fait que l’écrivaine y a vécu, d’abord épisodiquement, mais de manière régulière, puis définitivement.

En 1961, Violette Leduc découvre ce beau village perché dans le paysage de bois et de vignobles, qui fait face au versant nord du Ventoux. Elle y acquiert en 1965 la maison qu’elle louait à des propriétaires parisiens, aujourd’hui la propriété de l’universitaire genevois Eric Eigenmann qui nous a si élégamment ouvert sa maison, celle dans laquelle Violette avait choisi de vivre ses dernières années, d’écrire La Bâtarde et la trilogie autobiographique, puis de mourir, emportée par le cancer.

Cet hommage à Violette Leduc par la municipalité a eu lieu au premier étage du bâtiment occupé par la Bibliothèque municipale, située près de l’école du village ainsi que dans la salle du Fougau, au niveau bas. Dans la bibliothèque les livres de Violette Leduc sont présentés ainsi que les ouvrages critiques sur son œuvre et surtout d’émouvantes photographies de Violette à Faucon, aimablement mises à disposition par Carlo Jansiti.

La journée de samedi débute donc sous d’heureux auspices car sont conviés, pour célébrer Violette, les fauconnais, en particulier ceux qui ont connu Violette Leduc, mais aussi des « parisiens » qui en fait sont des amoureux de l’écrivaine depuis des décennies et qui ont consacré leur vie à son œuvre : Carlo Jansiti, auteur de la riche et précise biographie de l’autrice, René de Ceccatty, écrivain et auteur d’un des premiers mémoires universitaires édité sous le titre Eloge de la Bâtarde, Mireille Brioude, présidente de l’association des ami.e.s de Violette Leduc qui consacre depuis 1985 sa recherche à l’œuvre de Violette Leduc. Des ami.e.s de l’association présents à Faucon s’exprimeront au cours de cette même journée : Manon Perraud, Jean-Claude Arrougé, André Dubois.

René de Ceccatty évoque l’importance de Violette Leduc dans le paysage littéraire français et international. Avec précision et distance, il resitue le parcours de l’écrivaine dans son contexte et nous fait découvrir l’écart entre la légende de l’écrivaine censurée, « maudite » en quelque sorte, et la reconnaissance effective dont elle fut et est encore l’objet. En philosophe, Ceccatty propose une lecture de l’œuvre comme l’écriture d’un certain « rapport au monde » inscrit dans une poétique de l’objet, des éléments minéraux, végétaux, et dans un rapport immédiat au quotidien sans cesse transcendé par la mise en écriture opérée par Violette Leduc.

Carlo Jansiti rappelle alors l’importance de ce petit village choisi par écrivaine, les difficultés qu’elle a rencontrées pour se faire accepter de prime abord puis la formidable solidarité de ses habitants, solidarité doublée à l’amitié qui unissait l’écrivaine à certains d’entre eux.

La pause méridienne nous permet tous de nous retrouver à la « boulangerie de Bernard»  lieu convivial et chaleureux où l’on dégustera de délicieuses tartes sur la terrasse attenante, sous les tilleuls…

Les fauconnais sont à l’honneur -et c’est la moindre de choses- au cours de cette journée. Catherine Benzoni et Pierre Joly, avec le monteur Jean Franco, diffusent un documentaire passionnant, fruit d’un grand travail : les témoins racontent Violette Leduc, son arrivée au village, leur perception de cette parisienne fantasque et sympathique. Si Thérèse Plantier n’est plus là pour parler du personnage Violette, d’autres se souviennent : Paule Afranius, Mireille Joly, Antoine Roig et Anne-Marie Bataille, Christiane et Jean Beaumont, entre autres, tour à tour évoquent ces « années Violette », avant et après le succès de La Bâtarde. Mémoires de Fauconnais restera un film précieux pour les archives de Faucon.

Puis, le témoignage de Jean-Claude Arrougé, qui a connu Violette durant trois ans, venant la voir régulièrement jusqu’à la mort de l’écrivaine nous apporte un regard tendre et bienveillant sur celle-ci, qui était -selon Jean-Claude- dotée d’une « grande qualité d’écoute. »

Les ami.e.s de Violette rendent hommage à son œuvre, en écoutant Manon Perraud lire les passages de la fin de La Chasse à l’Amour consacrés en grande partie à des portraits incisifs et vivants des habitants de Faucon des années 1960, portraits « à clef » mais si reconnaissables, portraits qui passeront, grâce à elle, à la postérité.

La journée ne peut se clôturer sans la lecture de La Chasse à l’Amour, sa poésie profonde, celle des paysages, celle du quotidien de l’écrivaine. « Ecrire quoi ? » lui demandait Sabinien dans ces dernières pages ? Seule l’étude du manuscrit proposée par Mireille Brioude permet de mesurer l’effet de cette question : « Georgette m’a posé une question géniale (…) Ecrire quoi ? Le roman de l’inertie ? La brûlure des pierres au soleil ? Les larmes rousses et sculptées du cerisier mort ? » Car Violette est celle qui part tous les matins, avec son panier de pique-nique méticuleusement préparé, sur le sentier de Jaux, pour se poser au pied de la Vierge noire : qu’écrivait-elle ainsi, jusqu’à son dernier souffle ? La Chasse à l’Amour s’interrompt avant le succès de La Bâtarde, en 1964, ouvrage qui manqua de peu le Prix Goncourt. La Bâtarde est écrit entièrement à Faucon mais le récit autobiographique, sans cesse, fait écho avec une écriture au présent, celui de la chaleur, des châtaigners et surtout du village. Les dernières lignes d’un cahier manuscrit se terminent par le titre d’un nouveau chapitre intitulé « L’arche » lien symbolique entre le passé et le présent, Paris et Faucon.

La soirée a lieu au cinéma de Vaison-la-Romaine où nous sommes accueillis par Mylène-Georgel pour retrouver (la plupart le connaissent très bien) le film de Martin Provost, Violette, sorti en 2013 qui a permis de faire connaître l’écrivaine à un public très large. René de Ceccatty, co-scénariste du film, expose très clairement et subtilement les choix de mise en scène faits dans l’élaboration du film, tout comme les contraintes liées aux impératifs de la production.

Après une nuit sereine dans les lieux de Violette, dimanche nous convie au cimetière autour de sa tombe. Les membres de la municipalité, ainsi que Sophie Rigaut, conseillère départementale du Vaucluse et, bien sûr, les habitant.e.s de Faucon assistent au dévoilement de la plaque commémorative sous l’égide de Catherine Paffenhoff, conseillère municipale déléguée à la culture : « Hommage à Violette qui aima et trouva sa place dans notre village. Faucon se souvient. » Nous sommes le dimanche 29 mai 2022…

C’est au tour de Bernard Mondon, écrivain et conteur provençal de se faire le porte-parole de Jean Chalon, admirateur de Violette et auteur du livre Dames de cœur et d’ailleurs, paru en 2021 et illustré en première de couverture par une photographie du journaliste posant avec Violette devant le mont Ventoux. Avec son talent accoutumé, Bernard évoque l’amitié de Jean et de Violette.

Après le café la salle du Fougau, réunit les participants autour du court et brillant documentaire de Diane Aragou, diffusé cet hiver sur Arte : « Une bâtarde adoptée par la Provence ».

Il est temps maintenant de se retrouver, après la visite libre de la maison de Violette Leduc, au pied de celle-ci pour un dernier buffet avant de reprendre la route parisienne trinquant avec Paule Afranius, avec Josiane et Alain Coullet, avec Jean Beaumont et tous ces habitants de Faucon, si aimables et chaleureux.

De bien belles journées, pleines de riches émotions, qui se poursuivront sous d’autres formes – car l’équipe organisatrice n’est pas à cours d’idées- au mois de juillet !

Mireille Brioude