« Portraits de la beauté chez Marguerite Duras et Violette Leduc : forme figée, objet de mémoire
Cette thèse porte sur la pratique et l’usage du portrait chez Marguerite Duras et Violette Leduc à une époque qui tend pourtant à l’abandon de la représentation des visages. Plus spécifiquement, l’étude s’intéresse à l’obsédante description de la beauté chez les deux écrivaines, à partir de l’hypothèse que le portrait de la beauté convoque dans leurs œuvres une double mémoire. La première mémoire est littéraire, la représentation textuelle de la beauté venant avec son répertoire immuable de normes et de clichés. La simple mention de la beauté offre aux personnages qui en sont pourvus un rôle narratif immédiat hérité de la tradition romanesque : la beauté sert moins à les incarner qu’à signaler leur grande importance dans l’intrigue, à la manière d’un raccourci intertextuel. Bien que le portrait chez Duras et Leduc semble de prime abord reconduire la norme littéraire, les deux écrivaines convoquent la beauté si souvent et avec tant d’insistance qu’elle en devient hypertrophiée et s’anime d’une vie propre, prête à se détacher des corps. Par cette autonomie, la beauté devient une valeur en soi, au-delà du portrait, n’ayant finalement plus rien à voir avec la description de corps et de visages spécifiques.
La seconde mémoire est celle des personnages focalisateurs et des narrateurs lorsqu’ils sont témoins de la beauté. Si l’obsessif usage du portrait a pour effet de rendre interchangeables les personnages décrits comme beaux, il fait aussi de la beauté un repère fixe : on la retrouve à l’identique peu importe les identités et elle réussit même à traverser le temps de manière intacte. La beauté agit ainsi à la manière d’un relais pour la mémoire – la présence d’un beau personnage marquant tant l’imagination de ceux qui l’entourent qu’elle permet aux narrateurs de raviver avec efficacité leurs souvenirs. »