- Voici l’histoire de ce manuscrit de la rue Paul-Bert évoquée par la famille Dion:
Ce manuscrit a été retrouvé par ses enfants dans les affaires de Madame Odette DION, suite à son décès en juillet 2015.
Madame Odette DION est née au 20 rue Paul Bert, y a habité avec ses parents, puis avec son mari Alfred DION et leurs trois enfants, au 6ème étage et y a vécu jusqu’en 1997.Violette LEDUC est devenue leur voisine de palier lorsqu’elle a emménagé au 6ème étage de cet immeuble en 1947.Concernant ce manuscrit, Mme Odette DION a toujours raconté à ses enfants que :Violette LEDUC avait voulu brûler dans son poêle à charbon ce manuscrit, lors d’une crise de désespoir car Simone de Beauvoir l’avait censuré, et qu’elle pensait que ce qu’elle avait écrit ne valait donc rien. Madame DION était présente, et avait récupéré et sauvé ce manuscrit. »
- Ajoutons ceci:
Dominique, l’une des filles d’Odette, contacte la présidente de l’Association des amis de Violette Leduc un soir de septembre. Celle-ci s’empresse de joindre Olivier Wagner, conservateur à la BNF. Au mois de novembre, ils sont invités au domicile de Dominique et peuvent consulter le manuscrit. Il s’agit d’un état complexe qui en fait recèle trois états mélangés de La Folie en tête: des pages recto verso, certaines recopiées. De nombreux passages ne se retrouveront pas dans l’édition définitive. Il existe deux autres états de la Folie en tête actuellement à l’IMEC. Celui-ci présente des travaux intermédiaires mais très riches.
Olivier Wagner propose à Dominique qu’elle revienne vers lui si elle et les héritiers d’Odette souhaitaient soit déposer soit vendre le manuscrit. Nous essayons d’éviter une vente type enchères qui reviendrait à couper les chercheurs de cette source précieuse d’étude.
Olivier Wagner réalise l’acquisition du document au mois de mai 2016.
Françoise SIEUW, soeur aînée de Dominique a l’amabilité de nous faire part de ses souvenirs personnels : une atmosphère chaleureuse faite d’entraide et de’amitié s’était établie entre les voisins immédiats de Violette et l’écrivaine. Voici le témoignage de Françoise:
- QUELQUES ANECDOTES ET SOUVENIRS PERSONNELS SUR VIOLETTE LEDUC
Il y avait 4 appartements au 6ème étage de la rue Paul Bert, et entre voisins, nous formions comme une grande famille. « Duduc » comme nous l’appelions affectueusement , habitait la porte face à la nôtre.
Nous nous rendions tous service, et fêtions les anniversaires, communions etc.. tous ensemble. Donc Violette demandait souvent à une famille ou à l’autre de lui rendre des petits services ou faire des courses, de lui descendre sa poubelle, etc….. Papa lui faisait des petits travaux de bricolage, il avait repeint la cuisine en blanc, l’entrée en vert clair ou était épinglé une gravure de « l’Autoportrait à l’oreille bandée » de Van Gogh. Papa avait aussi fabriqué un petit coffre en bois sur l’avancée de la fenêtre de la cuisine où Violette qui n’avait pas de frigo, mettait ses produits frais l’hiver à l’abri des oiseaux.
Violette était très économe, et quand on lui faisait des courses, il ne fallait pas dépasser la somme qu’elle voulait mettre, sinon elle se mettait en colère. Une année, elle a ramené des kilos de cailloux de vacances, çà a été toute une histoire avec le livreur qui ne voulait pas les monter au 6ème étage. Ensuite, elle ne savait plus qu’en faire, et les distribuait à tout le monde, et les mettait dans le fond des poubelles pour les jeter sans qu’elle le voie.
Une fois, quelqu’un a fait une mauvaise blague à « Duduc » et a fait livrer par le bougnat d’en bas de chez nous, plusieurs sacs de charbon. Elle est rentré dans une colère noire et à obligé le bougnat a dû tout reprendre!
Comme elle n’avait pas la télévision, dès qu’il y avait un événement important, elle venait chez nous, je me rappelle en particulier de la diffusion des « Perses » , et de son interview par Pierre Dumayet pour « Lecture pour tous ».
Quand elle a été nominée pour le Goncourt et le Fémina, pour « La Bâtarde », elle avait organisé une petite réception avec nous tous ses voisins chez elle en attendant les résultats, avec consigne de bien s’habiller au cas où elle gagnerait et où la presse viendrait. Mais il n’y avait rien à manger, que des boissons! Les résultats tardant, tout le monde avait finit par être malade. Violette n’a pas eu de prix, et elle s’est fâchée avec tout le monde.
Après le succès de « La Bâtarde » elle était invitée à des soirées, réceptions etc…, et quand des grands couturiers, des bijoutiers lui prêtaient des vêtements ou bijoux, elle était fière de nous les montrer. Elle s’était acheté un grand poste radio portatif pour écouter de la musique classique diffusée à l’étranger avec ses premiers droits d’auteur de La Bâtarde. Je me rappelle aussi sa fameuse perruque blonde qu’elle mettait pour économiser le coiffeur et être toujours « bien coiffée », ses mini-jupes osées à l’époque, de son parfum entêtant et de ses cigarettes. Quand elle est décédée en 1972, je venais d’avoir mon appartement, et lorsque sa mère à liquidé les biens de Violette, j’ai hérité de sa salle à manger Henri II qui lui avait été offerte par J.Paul Sartre et Simone de Beauvoir, et de la main en cuivre-heurtoir de sa porte d’entrée.
Je me souviens que Violette m’avait emmenée deux fois visiter le musée du Louvre. Elle fumait et mettait un parfum très fort, qui restait longtemps dans la cage d’escalier quand elle montait ou descendait. Elle avait aussi une grande admiration pour Salvador Dali. Elle avait été filmée avec lui et d’autres personnes, dans, je ne sais plus si c’est une pub ou petit reportage, à la descente d’une passerelle d’avion. Puis elle était venue chez nous voir ce passage lors de sa diffusion à la télé : elle fut très déçue qu’on ne la voie pas!
Françoise DION épouse SIEUW