Thérèse Plantier par j-C Arrougé
Ce qui n’était pas le cas de Thérèse Plantier, une personne « pas facile ». Tout le monde avait pourtant bien essayé d’être « gentil » avec elle. Elle écrit, certes, cette Thérèse Plantier, mais personne ne comprend rien de ce qu’elle écrit. D’ailleurs, à moi de juger ! Ils me prêtent un ouvrage, Chemins d’eau, que Thérèse Plantier a dédicacé à Thérèse Beaumont. Ils continuent sur Thérèse Plantier. « Elle a eu beaucoup de chances » – et surtout celle d’avoir été mariée avec un aviateur si distingué, si charmant. Elle a divorcé pour se marier avec un homme de vingt ans son cadet, devenu ensuite entrepreneur de maçonnerie. Les rôles ont donc été clairement distribués dans le village : Violette « la gentille » et Thérèse « la méchante ».
Je quitte les Beaumont et prends à pied la route de Vaison. Patatras, je retombe sur Thérèse Plantier qui, telle le shérif de la bourgade, me barre la route quand je passe près du camping. « Vous êtes toujours là ? », me lance-t-elle. « Qu’êtes-vous donc venu faire à Faucon ? » Je n’ai pas le temps de camoufler Chemins d’eau. Elle s’élance vers moi et me demande exaltée : « Qui vous donné cela ? » Désarmé, je réponds : « C’est Thérèse Beaumont. » Elle se calme un peu, j’ai même droit à un vague sourire. Oui, elle écrit. Oui, il n’y a que la poésie et la philosophie qui vaillent. Oui, le reste n’est que « cochonnerie ». Elle rentre dans sa maison et me ramène deux livres qu’elle m’offre et me dédicace : C’est moi Diégo et Poèmes de hippies. Elle parle, elle parle, elle parle. Je ne dis rien. Elle finit par me dire qu’un autre écrivain habitait Faucon. Je réponds : « Ah bon ! » Elle reprend : « C’est Violette Leduc, mais vous ne perdez rien à ne pas la connaître». Je n’ai qu’une envie : fuir. J’y parviens non sans mal après avoir fait la connaissance de son mari Michel, « un simple », me dit-elle, et de l’amie poétesse en vacances chez elle. Un peu perturbé, je retourne voir Violette et lui raconte dans le détail cette rencontre. Elle s’esclaffe, excitée comme si elle m’avait joué un bon tour. (texte inédit publié avec l’autorisation de J-C Arrougé)